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La solitude des décideurs - Styles de leadership

Le dirigeant efficace est celui qui sait créer un climat positif dans l'entreprise et motiver ses collaborateurs. Dépanneur des PDG en crise, le psychologue Daniel Goleman passe au scanner les rouages cachées du management.

Des erreurs médicales sont commises dans certains hôpitaux parce que les infirmières n'osent pas faire remarquer à un médecin qu'il s'est trompé dans ses prescriptions. Personne ne le leur interdit, mais la pression du milieu est telle que généralement elles préfèrent s'abstenir, de peur d'être accusées d'outrepasser leurs droits et d'encourir la fureur de leur supérieur hiérarchique. Avec les conséquences qu'on imagine, tant pour la santé des patients que pour la réputations de l'hôpital.
Une société a beau compter parmi son personnel les meilleurs  professionnels, ceux-ci finiront par se démotiver si leur travail  n'est pas reconnu à sa juste valeur, s'ils sont accablés par la routine, la peur de la hiérarchie ou des tensions incessantes. Au niveau de la productivité et de la qualité des résultats, les retombées sont forcément désastreuses.
Ce sont souvent  les règles tacites de la culture d'entreprise qui paralysent le bon fonctionnement d'un groupe. L'une de ces règles non dites peut être le refus des conflits. Si les managers d'une société craignent d'exprimer ouvertement leurs désaccords et évitent systématiquement toute polémique, il ne leur servira à rien de multiplier les réunions pour déterminer de nouvelles stratégies. Ils s'enliseront dans d'interminables discussions sans être capables de prendre des décisions importantes.
Les entreprises qui marchent le mieux sont celles où règne, à tous les échelons , un état d'esprit enthousiaste et coopératif, ouvert à la critique. La constatation est valable pour les multinationales comme pour les petites sociétés.. Quand l'ambiance est agréable et la créativité encouragée, les performances prennent l'ascenseur.

L'influence des émotions.
Pour analyser une notion aussi immatérielle que le climat au sein d'une entreprise, le professeur en psychologie Daniel Goleman a collaboré  avec deux personnalités du mondes des affaires spécialisées dans le travail en management. Résultats : "L'Intelligence émotionnelle au Travail" *. Un livre basé sur l'étude de centaines de situations de crises observées dans les plus grandes entreprises.
Il en dit long sur les divers styles de leadership et l'influence trop souvent négligée, des compétences émotionnelles. "Les grands athlètes passent beaucoup de temps à s'entraîner et peu de temps à réaliser des performances.; avec les dirigeants, c'est tout l'inverses: ils ne s'entraînent jamais et consacrent tout leur temps à faire et atteindre un certains nombre de résultats".
Il ne suffit pas d'avoir des qualités professionnelles top niveau pour devenir un dirigeant valable. Tout aussi importantes, voires déterminantes, sont les capacités à gérer et à orienter les sentiments d'un groupe pour l'aider à atteindre ses objectifs.
Sous la conduite d’un leader qui sait user de son intelligence émotionnelle, écrivent les auteurs, les individus se sentent bien ensemble. Ils partagent des idées, apprennent les uns des autres, prennent des décisions en commun et sont efficaces dans leur travail. Ils tissent un lien émotionnel qui les aide à conserver leur cap même dans un contexte de profond changement ou d’incertitude.” Dans le cas contraire, les rouages de la machine se gripperont inévitablement.

Les patrons néfastes
Un mauvais leadership décourage les collaborateurs, les épuise, les rend inopérants ou les pousse à démissionner. En tête de liste des motifs de démission figure l’insatisfaction des individus vis-à-vis de leur chef. Tyran grossier, manipulateur, monstre froid ou modèle d’incompétence, large est l’éventail des patrons qui font du tort à l’entreprise et démoralisent leurs employés. Certains manquent d’empathie et communiquent uniquement en termes négatifs. D’autres, plus subtilement, simulent la bienveillance alors qu’ils se moquent éperdument des besoins ou des sentiments d’autrui. Ne s’intéressent qu’au rendement. Il y a aussi les leaders “démunis”, qui s’imaginent bien faire et croient que tout va pour le mieux alors que le mécontentement gronde parmi leurs subordonnés. Ceux qui n’ont jamais une discussion digne de ce nom avec leurs collaborateurs. Qui ne supportent pas la contradiction, craignent l’innovation et font la sourde oreille dès qu’on leur parle de changement.
Les aptitudes qui entrent en jeu dans l’intelligence émotionnelle sont d’abord personnelles: recours à l’instinct pour orienter les décisions, conscience de ses forces et faiblesses, confiance en soi, maîtrise des émotions, loyauté, intégrité, flexibilité face au changement, volonté de progresser, sens de l’initiative et optimisme. Au nombre des compétences sociales, qui déterminent les rapports de chacun avec son environnement, figurent l’empathie (à ne pas confondre avec l’obsession du consensus), la faculté de percevoir les tendances, la capacité de reconnaître les besoins de ses équipes et de la clientèle. C’est le savoir être qui permet au leader de soutenir, guider, motiver et convaincre ses collaborateurs, de piloter l’équipe dans une nouvelle direction, de trouver une solution aux désaccords, de cultiver et d’entretenir de bons liens relationnels.

L'art de s'adapter
Aucun être humain n’étant parfait, les dirigeants efficaces possèdent ces qualités à des degrés divers. Des études menées auprès de plusieurs milliers de cadres montrent que les plus performants sont ceux qui ne pratiquent pas un seul style de leadership. Selon la situation à laquelle ils sont confrontés dans l’entreprise, ils utilisent des registres différents. C’est le cas, cité en exemple, d’une directrice nommée à la tête d’une agence dont les résultats déplorables reflétaient l’absence de motivation des employés, devenus apathiques à force de frustrations. Elle commença par écouter longuement les collaborateurs pour cerner les problèmes, releva les points positifs de leur travail pour les encourager, leur présenta sa vision de l’avenir et leur demanda de présenter des suggestions pour améliorer leurs tâches quotidiennes. Les ayant impliqués dans le processus de changement, elle imposa une nouvelle organisation et modifia avec succès les anciennes pratiques bureaucratiques.
* “L’intelligence émotionnelle au Travail”, D. Goleman, R. Boyatzis, A. McKee, Ed. Village Mondial, 2002.

La solitude des décideurs
Un leader est confronté en permanence à des problèmes de stratégie, d’organisation et de communication. Mais avec qui en parler lorsqu’il se trouve lui-même au sommet de la hiérarchie?

Déjà largement répandu aux Etats-Unis, le coaching de management permet aux décideurs de repenser leur mode d’action en bénéficiant du soutien d’un expert extérieur à l’entreprise. Il les aide également à clarifier la mission et les objectifs d’une équipe, à gérer des conflits internes et à favoriser une dynamique de changement au sein du groupe.
Ex-manager dans dTie grandes firmes, intéressé depuis toujours par la formation des adultes, Bernard Radon a créé en 1994 à Lausanne la société Coaching Systems*, régulièrement mandatée par des multinationales. Auteur du livre Le Coaching des Managers (Ed. Les Presses du Management, 1999), il prépare actuellement sur ce thème un doctorat à l’Université de Lyon. Avec son associé Jean Dolivo, il forme également des responsables de ressources humaines à cette technique spécifique.

» Quelles sont les difficultés les plus souvent mentionnées par les dirigeants qui vous consultent?
- Elles sont en rapport avec le fonctionnement de l’équipe, les relations au sein de la hiérarchie, la manière de conduire le changement, ou avec des questions plus personnelles, comme l’orientation à donner à une carrière. Le manager est seul. S’il veut réfléchir à sa problématique, il ne peut pas en parler avec ses collègues ou ses collaborateurs. Parfois son PDG se trouve dans un autre pays, par exemple à New York. Dans les multinationales, la dispersion géographique des équipes rend la communication plus difficile, malgré l’apport des nouvelles technologies. Autrefois on prenait le temps de se voir et de discuter. Aujourd’hui on communique par mail et par conférence téléphonique. Des échanges appauvris, car privés de toutes les informations qui passent par le langage non verbal.

» Est-il vrai que les dysfonctionnements au sein d’un groupe sont souvent liés aux lacunes du décideur dans le domaine relationnel ?
- A l’université, la formation en management est entièrement axée sur l’organisation, la stratégie, les process, les outils. Les dirigeants nommés à des postes à responsabilités dès la fin de leurs études n’ont pas forcément le sens des réalités sur le terrain. Ils n’ont pas été confrontés aux problèmes des équipes. Ils excellent sur le plan technique mais manquent souvent de compétences sociales, surtout dans leurs rapports avec leurs subordonnés. Ceux qui ont le plus de problèmes proviennent souvent d’un milieu social très défavorisé. Ils possèdent un ego surdimensionné. En raison de leur réussite, ils se jugent très supérieurs aux autres, ne savent pas écouter et ont d’énormes difficultés à dialoguer. Améliorer la communication, cela s’apprend. Certains managers pensent qu’en ayant dit les choses une fois, tout est dit. Or, pour induire un processus de changement, il faut convaincre les employés à tous les échelons, il faut dire et redire les choses. Cela prend du temps. Et il y a la manière de le dire!

» Certaines vérités ne sont pas agréables à entendre. Que se passe-t-il quand un manager refuse d’admettre que certains problèmes sont liés à son comportement ?
- Dans ce cas, nous arrêtons tout. S’il refuse de prendre en considération ses difficultés personnelles, il ne sert à rien de continuer. Pour que le coaching fonctionne, il faut que la personne ait envie de développer son potentiel et qu’elle accepte d’entendre un autre point de vue. Nous l’aidons à visualiser des contradictions et des paradoxes dont il n’a pas forcément conscience. Lorsqu’il s’agit d’un cadre supérieur, il est important que son boss approuve sa démarche. Parfois c’est ce dernier qui nous appelle. A titre d’exemple, un grand patron nous a appelés parce que l’un de ses managers ne produisait que peu de résultats. En fait, ce manager accumulait les projets importants. Il y travaillait nonante heures par semaine. Nous avons tout mis à plat et constaté qu’il lui était tout simplement impossible de mener tous ces projets de front. Nous sommes allés en discuter avec le PDG. Il était indispensable de fixer des priorités et des échéances. C’était le rôle de la haute direction, qui s’est chargée d’établir une nouvelle planification. Les problèmes psychologiques ou relationnels ne représentent qu’une facette de notre travail. L’essentiel de nos activités porte sur le fonctionnement du groupe et le comportement des individus au sein de l’organisation.

* Coaching Systems, avenue Dapples 23, CP 167, 1000 Lausanne 13, tél. 021 617 40 17,
e-mail bernard.radon@coachingsystems.ch


Styles de leadership

- VISIONNAIRE
Fédère les individus autour de rêves partagés. Efficace lorsque le changement requiert une nouvelle vision ou orientation.

- ENTRAÎNEUR
Relie les aspirations d'un individu aux objectifs de l'entreprise. Utile pour aider un collaborateur à améliorer ses performances.

- PARTENAIRE
Crée l'harmonie en reliant les individus. Indispensables  pour surmonter les désaccords, motiver en période de tension ou renforcer les liens interpersonnels.

- DÉMOCRATIQUES
Favorise la discussion, les initiatives, les décisions collectives.
Inconvénients : risque de confusion, de lenteurs et d'absence d'orientation.

- GAGNEUR
Pousse son équipe à atteindre des objectifs difficiles.
Peut avoir un impact négatif sur le climat de travail si l'on y recourt sans ménagement.

- AUTORITAIRE
Rassurant dans le situations d'urgences, salutaire en cas de crise, de changement rapide ou avec les collaborateurs à problèmes.
Mais peu apprécié...


Propos recueillis par Marlyse Tschui - Document extrait de Fémina No. 23

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